émissions carbone : compensation, régulation ou réduction?

mardi 29 novembre 2016 Actus du réseau France
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émissions carbone : compensation, régulation ou réduction?
Meet-Up Tourisme Durable & Finance Carbone

Tous les 2 mois, Guillaume Cromer, directeur gérant du cabinet d’ingénierie en marketing du tourisme ID-Tourism et président d'ATD, anime un Meet-Up au Welcome City Lab sur le thème : Tourisme Durable, Entreprenariat et Innovation.

A l’occasion du dernier meet-up de l’année, Guillaume Cromer était accompagné de Ghislain Dubois, fondateur du cabinet TEC Conseil. Ils se sont interrogés sur l’efficacité de la finance carbone appliquée au tourisme.

Ghislain Dubois, chercheur et consultant en tourisme durable est particulièrement engagé pour le climat. Il a créé le cabinet TEC Conseil, un bureau d’études des énergies et du changement climatique et il accompagne actuellement le Sénégal dans une démarche de transition énergétique. Il s’impose donc comme l’invité idéal pour aborder ce sujet sensible. Selon lui, deux solutions sont viables : s’adapter ou réduire.

 

État des lieux des émissions de l’aérien… et du tourisme ?

Avant d’étudier les différentes solutions, il est important de faire un bilan du secteur. Aujourd’hui, le trafic aérien est coupable de 3% à 5% de l’impact sur le climat. Au niveau national, l'aérien est coupable de 40% des émissions. A titre indicatif, porté à l’échelle de consommation d’un pays, l’aérien serait le septième pays émetteur de carbone dans le monde.

Même s’il est difficile de trouver des chiffres sur la consommation carbone de l’aérien et du maritime spécifique au tourisme, nous pouvons noter que le secteur est en croissance constante (4% à 5% par an). Ses émissions augmentent très vite alors que les autres secteurs sont en baisse. La première industrie au monde que représente le tourisme doit donc prendre conscience de son impact sur le climat et en assumer les responsabilités en trouvant des solutions.

Lors des négociations de l’Accord de Paris le tourisme était peut présent et le transport aérien n’en faisait pas parti or, si on se base sur une hausse du climat fixée à 2°C, l’aviation absorbe à elle seule une grosse partie des émissions. Fort de ce constat, l’OACI (Organisation de l'Aviation Civile Internationale) a adopté une norme mondiale d’émission de CO2 pour les avions.

 

Les enjeux de la finance carbone

l'OACI et la compensation carbone de l’aérien

En mai 2016 l’OACI adopte une norme visant à stabiliser les émissions au niveau mondial en accélérant l’optimisation énergétique des futurs appareils et en renouvelant rapidement les flottes des compagnies aériennes. Cela ne concerne que les prochaines générations d’avions et l’amélioration technique représente un gain d’efficacité d’1% par an. Le ratio reste donc négatif en comparaison à la croissance fulgurante de l’aérien.

En octobre 2016, né de la volonté d’une croissance "neutre"  en carbone, un accord est adopté sur les mécanismes de compensation des émissions du transport aérien. Le dispositif mondial CORSIA  (Carbon Offset & Reduction Scheme for International Aviation) est lancé ! Une solution tardive dont les résultats sont à modérer car on ne parle plus de réduction ou de régulation mais de compensation.

Une autre option est proposée : le crédit carbone ! Cela consiste à  acheter un "droit à polluer" basé sur les coûts du marché. Une manipulation dont le terme : "droit à polluer" est à lui seul un contre sens. Cette solution n’est pas viable à terme car plus les objectifs de baisse de la consommation seront ambitieux plus les grosses compagnies vont vouloir acheter des droits ce qui engendre naturellement une baisse de l’efficacité d'autres entreprises.

les projets de compensation carbone soutenus : Les NAMAs

Les NAMAs (Nationally Appropriate Mitigation Actions) sont des dispositifs issus de la négociation climat. Chaque pays en voie de développement devait définir ses objectifs et la mise en place d’actions NAMAs : un programme d’efficacité énergétique, le développement du ferroviaire dans le pays, etc. Ce plan d’action rédigé par le pays est ensuite certifié par les Nations Unis et financé par de grosses entreprises.

A ce jour, 57 pays sont engagés dans une stratégie de baisse des émissions de GES. Une opportunité entrepreneuriale significative car de nombreux projets innovants sont portés : mobilité, multi-modalité via les GDS. Seul inconvénient, le processus n’englobe pas d’organisme de contrôle.

La compensation carbone volontaire

Aujourd’hui, les voyageurs aussi ont la possibilité de compenser leurs émissions de carbone, cela représente une hausse peu significative du prix du billet pour les longs courriers et légèrement plus élevée pour les low cost. L’élasticité de la demande par rapport au prix est faible car l’avion reste le seul moyen de se rendre dans certaines destinations. Cette estimation peut se calculer grâce à de nouveaux outils comme le Calculateur Carbone de la Fondation Good Planet.  

Les voyagistes et les transporteurs ont pour devoir de sensibiliser leurs clients à cette démarche. En ce sens, Voyageurs du Monde a réalisé une enquête selon laquelle plus de 60% des voyageurs sont prêts à compenser leurs émissions mais dans les fait seulement 1% le font. Le tour opérateur reverse systématiquement une contribution à sa fondation Insolite Bâtisseurs pour chaque voyage vendu. Ces fonds sont dédiés à des projets de reforestation à travers le monde. Air France a choisi de s'associer à la Fondation Good Planet et propose à ses clients de soutenir leurs projets. Il est également possible de faire appel à d’autres organismes de compensation tels que CO2 solidaire qui œuvre à l’isolation énergétique, au remplacement de four à bois, etc. Bien sûr, les actions de compensation doivent répondre aux enjeux du développement durable.

 

Les solutions d’avenir

Aujourd’hui en l’absence de rupture technologique forte ou d’évolution majeure en matière de bio carburant on ne peut pas envisager la compensation comme une option. Le ratio échelle temps ne le permet pas, il faut réparer! Il est nécessaire de construire une réflexion globale sur l’utilisation du carbone. Le transport aérien doit être un dernier recours, il faut favoriser les longs séjours et les déplacements doivent être plus rares. 

Le schéma présenté ci-dessous, expose l’évolution prévisionnelle des émissions de CO2 du transport aérien de 2010 à 2040 en fonction des actions que nous aurons mises en place.

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Investir dans le ferroviaire

A l’image de la Chine, premier pays utilisateur de train grâce à une expansion considérable du nombre de ligne, les réseaux ferroviaires doivent être développés.

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Outre la création nécessaire de nouvelles lignes, les transporteurs doivent se focaliser sur la Recherche et le Développement et les services additionnels proposés en tenant compte de l’engouement pour le collaboratif et du "slow travel" comme facteur de progrès. Ainsi, développer l'intermodalité en créant un partenariat entre une compagnie ferroviaire et un loueur de voiture entre particulier tel que Drivy permettrait au voyageur d’être autonome sur place et de réduire ses trajets avec son véhicule personnel.  

L’avenir se situe certainement dans le développement de l’Hyperloop d’Elon Musk. Le concept : déplacer des passagers ou du fret à 1000 km/h dans un système de tubes dépressurisés.

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Optimiser le taux de remplissage des avions

Il n’est pas rare de constater qu’il reste des sièges vides dans un avion. Pour inciter les compagnies aériennes à exploiter l’ensemble de l’appareil et à créer du flux dans les périodes creuses des solutions existes. Une de ces options serait d'organiser un partenariat avec les destinations pour offrir les sièges vides aux voyageurs ce qui augmenterait leur pouvoir d’achat sur place et favoriserait l’économie locale. Cependant, cette idée "win-win" va à l’encontre des stratégies de yield management pratiquées par les compagnies car leurs clients pourraient attendre la dernière minute pour réserver. Alors que faire ? Une autre option consiste à taxer les sièges vides.

Voyager près de chez soi

Le tourisme est un vecteur social, il ne faut pas arrêter de voyager mais nos comportements doivent évoluer. Nous devons prendre conscience de l’impact de nos déplacements et l’offre actuelle n’incite pas à la réduction. Les acteurs du tourisme ont un rôle à jouer dans cette évolution, les territoires par exemple, doivent agir sur leurs valeurs ajoutées et miser sur une stratégie de baisse de la consommation en favorisant le "slow travel", le tourisme domestique et les voyages combinés en déployant leurs recherches sur l’expérience de proximité avec des projet comme Villages Nature : une destination touristique à part entière qui comprend cinq univers différents articulés autour du développement durable.

Implication collective

Les projets bas carbone dans le tourisme et l’hébergement, les projets de loisirs innovants près des villes pour un dépaysement de proximité et les projets de mobilité douce représentent de grandes opportunités entrepreneuriales sur lesquelles la France doit se positionner. L’issue de sortie doit être liée à la R&D.

Total semble se positionner sur ce marché et travaille à la fabrication d’avions en fibre carbone. Pour se faire, il est important que professionnels et instances publiques prennent leur part de responsabilité.

Une harmonie internationale est nécessaire pour adopter des solutions viables : imposer des lois, taxer le kérosène et financer des projets de compensation carbone.

 

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