QUELLE PLACE POUR LA FEMME DANS LE TOURISME ?

lundi 4 décembre 2017 Actus du réseau Communication - Sensibilisation Mobilité et transportsHébergementProducteurs et distributeurs de voyagesTerritoires et destinationsActivités et loisirs
QUELLE PLACE POUR LA FEMME DANS LE TOURISME ?
TWITTER CHAT #TDTC « LES FEMMES ET LE TOURISME DURABLE »

Chaque mardi, une semaine sur deux, le TDTC - Tourisme Durable Tweet Chat est le rendez-vous incontournable dédié au Tourisme Durable sur Twitter ! Mardi 14 novembre, nous vous proposions un tout nouveau thème.

« L’égalité des sexes n’est pas seulement un droit fondamental de la personne, mais aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable. » tel est l'Objectif de Développement Durable n°5 de l'Agenda 2030 adopté par l'ONU pour l’égalité et l’autonomisation des femmes, mais aussi le sujet de notre TDTC.

Pour répondre à toutes nos questions, nous avons eu le plaisir d'avoir avec nous différentes expertes. Agnès Gascoin, Présidente de l'association Femmes du Tourisme dont l'objectif est de favoriser l'équité homme/femme dans le secteur du tourisme, Elsa Miroux, Chargée de Mission Garantie et Expertise de l'ATES oeuvrant pour un Tourisme Equitable et Solidaire, auteure du dossier "Tourisme équitable et égalité des genres", et Viviane de Beaufort, Professeure à l'ESSEC (où elle a fondé les programmes Women ESSEC), auteure de Travaux Law and Gender, soutien de réseaux professionnels féminins et fondatrice du Club Génération #Startuppeuses.

1. Quel état des lieux peut-on faire de la place des femmes dans le secteur du tourisme ?

D’après le baromètre de l’association Femmes du Tourisme Durable, le secteur est largement dominé par les femmes puisqu’elles sont 80%, soit 2/3 des salariés du secteur [Femmes du Tourisme][ATES]. En effet, la majorité des candidats répondants aux annonces d’emploi sont des candidates [Eugénie et Bérangère]. Cela se reflète déjà dans les écoles où elles sont en nombre supérieur [Sara Duong]. Un choix qui peut être dû à une sensibilité humaine et une capacité à être polyvalente [Eugénie et Bérangère][Viviane de Beaufort]. Le tourisme apparaît donc comme une opportunité pour elles d’entreprendre [ATES].

Mais des recherches montrent qu’elles subissent de fortes stéréotypisations des emplois du secteur où elles occupent plus souvent des postes d’accueil ou de femmes de ménage là où les hommes vont être guides ou managers [ATES]. Le baromètre indique également que 13% seulement des femmes sont cadres et parmi elles 55% estiment que leur entreprise favorise l'égalité professionnelle et la mixité. En sachant qu’une réelle politique de diversité est généralement mise en place dans des grandes entreprises privées ou publiques [Femmes du Tourisme]. Trop peu d’entre elles occupent des postes de direction où elles sont minoritaires [Sara Duong][Voy’Agir]. Une situation injuste renforcée par des inégalités salariales et des emplois plus précaires et informels. Sans oublier qu’elles sont encore très souvent victimes de violences [ATES]. Des constats identiques aux autres secteurs où la femme peine à monter les marches du pouvoir [Viviane de Beaufort]. Même dans ceux où elles sont en plus grand nombre elles font face à ce même plafond de verre, qui en dit long sur la situation des femmes de façon générale [Voy’Agir].

 

2. Pourquoi la parité homme/femme est-elle un enjeu du tourisme durable ? Pour vous, est-ce prioritaire ?

Le tourisme durable par définition est un tourisme qui lutte contre les inégalités, qu'elles soient territoriales (circuits hors des sentiers battus) ou sociales (vacances pour tous, accessibilité, égalité homme/femme) [Sara Duong]. Autrement dit, le tourisme durable, plus particulièrement sous sa forme équitable et solidaire, est « pour » l’égalité et défend une vision inclusive [Gwenaël Le Nohaïc][ATES]. La parité entre les hommes et les femmes et l’accompagnement de ces dernières vers plus d’autonomie sont des questions d’équité et de justice, axes centraux du développement durable [Voy’Agir][ATES]. Dans certains pays, c’est même une priorité [Voy’Agir].

Les valeurs que défend le tourisme durable font parties des enjeux fondamentaux d’aujourd’hui, portées par la sensibilité des femmes et des millenials ou « GENY- Avenir ». Des travaux américains, réalisés dans 8000 entreprises de tous secteurs, ont en effet démontré que les femmes dirigeantes font des choix stratégiques plus responsables avec une approche pérenne et plus éthique (comme la mise en place d’une RSE). Elles ont des objectifs de croissance durable, priorisent les relations humaines et s’appuient sur un modèle de management collectif. Les femmes sont donc plus disposées à développer un tourisme durable [Viviane de Beaufort][ATES]. On remarque par exemple qu’elles sont au cœur de nombreux projets liés au développement durable des activités : la gestion de l’eau, la protection de l’environnement, la préservation des cultures, etc [ATES]. D’ailleurs, l’égalité des genres est un des 17 objectifs mondiaux de développement durable (ODD) portés par l’ONU, par conséquent un objectif central du tourisme durable [Voy’Agir].

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3. Comment les acteurs du tourisme peuvent-ils agir pour l'équité homme/femme en France ? Avez-vous des exemples de bonnes pratiques ? 

Il existe un grand nombre de façons d’agir pour l’équité homme/femme, dont certaines sont très simples : l’écoute mutuelle, le respect, la créativité et l’instauration d’actions collectives au sein d’une équipe composée de femmes et d’hommes, tous à égalité sans exception [Double Sens][ATES].

Certaines entreprises font le choix de valoriser le travail des femmes dans des milieux généralement réservés aux hommes, comme le croisiériste Ponant avec son action « Femmes à la barre » [Sara Duong]. D’autres liées par des objectifs RSE, comme au sein du groupe Accor, agissent par la mise en place d’une politique responsable active sur le recrutement, l’accès à la formation, les congés maternité, l’accès aux comités de direction et conseil d’administration, l’égalité salariale et professionnelle de façon générale [Viviane de Beaufort][ATES]. ATD, que ce soit pour l’invitation des intervenants aux conférences des Universités du Tourisme Durable et la composition du jury des Palmes, s’est aussi engagée à respecter la parité [Sara Duong]. Tout comme le jury d’Entreprendre au Féminin à l’ESSEC est composé de 2/3 de femmes [Viviane de Beaufort].

Agir pour l’égalité homme/femme c’est aussi changer les idées préconçues et reconsidérer sa communication. Que penser de certains supports de communication indiquant à la femme le rôle qu’elle devrait tenir [Voy’Agir] ?

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4. Quelles solutions existent pour accompagner et renforcer la place de la femme dans l'entreprenariat touristique ?

Avant tout, les mentalités doivent changer et l’altérité acceptée. Nos différences sont une force, notamment dans l’entreprenariat. Nos points de vue et façons d’être sont tout autant complémentaires et apportent une vraie valeur ajoutée aux projets. Il faut reconnaître cette variété : lors de concours par exemple, ne pas s’attendre à un même comportement que le candidat soit une femme ou un homme [Viviane de Beaufort][Voy’Agir].

Les femmes font face à plus de barrières et de difficultés à entreprendre. Le mouvement équitable a abordé le sujet dans ses universités d’automne à travers la difficulté à se financer. Les banques sont plus exigeantes avec les femmes que les hommes. Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est les aider à avoir accès au financement : microfinance, formations, réseaux … Plus généralement, elles ont besoin d’accompagnement [ATES]. Là où le sens de la compétition stimule les hommes, les femmes le perçoivent comme un rejet possible. Dans ce cas, il faut les aider à s’affirmer et à gagner en assurance [Viviane de Beaufort].

Pour cela, des solutions sont proposées. Elles peuvent s’adresser à des structures institutionnelles comme l’APST ou les Entreprises du Voyage (anciennement SNAV) et l’association Femmes du Tourisme. On voit encore très peu de femmes candidates pour être accompagnées par l’incubateur Welcome City Lab [Femmes du Tourisme]. D’autres structures, non spécifiques au tourisme peuvent les aider comme Créatrices d’Avenir [Eugénie et Bérangère]. Il y a également le réseau Club Génération Startuppeuses. A travers des ateliers et grâce à des outils (comme Wirate, LinkedIn, Whatsapp), les jeunes femmes entrepreneures peuvent demander conseil à une communauté d’expertes bénévoles pour développer leur projet (4 startups sur 24 sont dans le tourisme durable) [Viviane de Beaufort].

 

5. Quelles responsabilités ont les professionnels du tourisme à l’égard du rôle des femmes dans les pays en voie de développement où les traditions et le mode de vie diffèrent ?

Le tourisme représente une véritable opportunité pour renforcer la place des femmes dans les pays en voie de développement. En tant que voyageurs ou voyagistes, nous avons tous notre part de responsabilité (lutte contre la prostitution, le travail des enfants …) mais attention de ne pas colporter notre vision française de la parité. La volonté doit tout d’abord venir des femmes et ne pas être imposée. Les pratiques doivent être acceptables, réalisées avec pédagogie, et le regard respectueux.  Le but étant de les soutenir à travers le tourisme et non pas l’inverse [ATES][Viviane de Beaufort][Voy’Agir].

Les entreprises du voyage ont tout d’abord pour mission d’informer les voyageurs (ou voy’acteurs) aux règles et usages à respecter. Puisque tous les pays sont différents, la création de chartes éthiques permet de sensibiliser au respect des traditions et des cultures [Viviane de Beaufort][Voy’Agir][Femmes du Tourisme]. L'égalité femme/homme est un élément important du label Garantie tourisme équitable et solidaire de l’ATES, dont l’objectif prochain sera de l’accentuer d’avantage [ATES].

Une autre responsabilité est de soutenir les actions et projets menés par et pour les femmes par la co-construction des séjours avec l’ensemble des parties prenantes.  En particulier dans les zones rurales, le travail des femmes est très peu reconnu et encore moins rétribué. Le tourisme durable, plus spécifiquement équitable, valorise par exemple le logement chez l’habitant. Ainsi, les retombées sont locales et plus justes, permettant alors de rémunérer le travail domestique traditionnellement fait par les femmes (cuisine, accueil, …). Bénéficier d’un salaire leur permet à la fois d’être payées grâce à leur activité mais aussi de gagner de la valeur et une place plus importante dans la société. Les soutiens et le financement participent à leur émancipation [ATES][Voy’Agir][Pandora Travel]. D’ailleurs, l’entreprenariat féminin est souvent bien développé dans ces pays, comme c’est le cas au Nigéria (ventes, restauration de rue, artisanat, etc) [Femmes du Tourisme] . Ce qu’il faut, c’est l’encourager et favoriser la formalisation des activités. Ainsi, à travers leur soutien aux projets de développement, les voyages solidaires aident les femmes dans leur quotidien et leurs démarches d’entreprenariat : faciliter l’accès à l’eau potable, à l’éducation, à la microfinance, aux formations, etc. Les membres de l’ATES (tels Terres des Andes ou Rencontres au bout du monde) valorisent les projets et le savoir-faire des femmes dans leurs programmes : visites de coopératives de productrices, rencontre avec des groupements de femmes et des associations locales, etc [ATES]. Soieries du Mékong, Senteurs d'Angkor au Cambodge ou Sapa Sisters au Vietnam encouragent l’entreprenariat féminin [Pandora Travel]. Un exemple concret, Double Sens propose de devenir partenaire d’une entrepreneure sociale en soutenant un projet qui a du sens porté par une femme engagée [Double Sens]. Autre levier de financement, les plateformes de crowdfunding permettent de faire appel à la générosité des individus pour aider dans la construction et le développement de projets locaux [Viviane de Beaufort]. Babyloan offre par exemple la possibilité à chacun de prêter à des micro-entrepeneuses : 25 000 ont été soutenues dans le lancement de leur activité [ATES].

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Pour plus d’informations, un dossier spécial égalité des genres présentant un état des lieux de la situation des femmes dans le tourisme a été publié par l’ATES.

Viviane de Beaufort recommande également quelques lectures : ses études "Femmes et Pouvoir : tabou ou nouveau modèle de gouvernance ?" réalisée avec le soutien de BOYDEN dans le cadre de Women Be European Board Ready et "Femmes et gouvernance d'entreprise : vers un nouveau modèle !" avec Lucy Summers. Et celle de Ioanna Boulouta "Hidden Connections : The Link between Board Gender Diversity and Corporate Social Performance".

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