Carlos Jávita : « Promouvoir l’Equateur comme destination touristique, en sensibilisant à son écosystème »

mercredi 30 avril 2014 Actus du secteur International Territoires - Destinations Territoires et destinations
Carlos Jávita : « Promouvoir l’Equateur comme destination to ...

Élu « destination écologique du monde en 2013 » par le WTA (World Travel Awards) et le New York Times, l’Equateur est à la mode. Et pour cause. Concentrant au sein de ses frontières les plus hauts volcans actifs du monde, la plus forte concentration de biodiversité, des plages idylliques de sable blanc et les majestueuses Galápagos, l’Equateur a tout pour plaire. À l’occasion de la campagne de promotion touristique mondiale « All you need is Ecuador », qui s’est tenue du 1er au 10 avril 2014, Acteur du Tourisme Durable a rencontré l’ambassadeur équatorien en France, Carlos Jávita.

Acteur du Tourisme Durable : Pouvez-vous détailler le rôle de la campagne de promotion touristique mondiale « All you need is Ecuador » ?

Carlos Jávita : Il s’agit d’une campagne pour promouvoir l’Equateur comme destination touristique. Pendant 10 jours, dix-neuf villes à travers le monde accueillent une des lettres géantes de ce slogan, inspiré par la célèbre chanson des Beatles All you need is love. La Gare de Lyon à Paris voit ainsi s’élever la première lettre, le A. Ces constructions 3D de 6 mètres de haut sont chacune porteuse d’un symbole – artistique, culturel, naturel – équatorien. Les photos ainsi mises en avant par ces œuvres géantes permettent aux personnes de découvrir certains aspects de notre pays. 

ATD : Quel serait votre « top 5 » des lieux à visiter en Equateur ?

Carlos Jávita : Je conseillerais les Galápagos pour leur biodiversité exceptionnelle. Après, j’irais dans les montagnes car elles combinent richesses naturelles et culturelles. Traverser l’avenue des volcans permet, en plus de découvrir des lieux magnifiques, de partir à la rencontre de différents peuples indigènes. Troisièmement, je suivrais la route du cacao car elle correspond à toute la partie pacifique du pays, encore assez méconnue. Ensuite, je choisirais de me rendre en Amazonie. Enfin, j’irais dans la province de Manabi, au nord-ouest du pays, pour l’une de ses plages où l’on peut apercevoir des baleines quand on se baigne.

ATD : Quel rôle joue le tourisme en Equateur ?

Carlos Jávita : Le tourisme en Equateur a un rôle à la fois socio-économique et environnemental. Il s’agit de la quatrième source de revenus du pays. Notre objectif est de promouvoir cette industrie verte afin qu’elle devienne le troisième secteur générateur de revenus pour l’économie équatorienne. En consultant les statistiques mondiales, on observe que le taux de croissance de fréquentation touristique moyen est de l’ordre de 3-4%. En comparaison, le nôtre a atteint 12% en 2012.

Le tourisme est aussi un moyen de promouvoir l’environnement. Notre pays accorde une importance primordiale à la protection de la nature. La Constitution de 2008 préconise le bien-vivre entre êtres humains et le bien-vivre en harmonie avec l’environnement. Nous sommes d’ailleurs le seul pays où la Constitution reconnaît des droits de la nature. Par conséquent, la meilleure façon de respecter cette obligation constitutionnelle de protection de l’environnement est de développer des industries dites vertes, notamment dans le tourisme.

ATD : Que pouvez-vous faire pour promouvoir ce tourisme durable dans le secteur privé ?

Carlos Jávita : C’est une affaire de tous. Le gouvernement donne des lignes directrices. Il apporte son aide en offrant par exemple de bonnes infrastructures. Le réseau routier a largement été développé au cours de ces dernières années. Au début du XXe siècle, nous avons mis en place un train croisière, le Tren Crucero. Il effectue une traversée de 450 kilomètres entre les deux villes principales, Quito et Guayaquil. Le train passe par des villages jusqu’alors un peu abandonnés. Sa reconstruction récente a ainsi permis de faire découvrir à ses voyageurs la singularité de ces peuples indigènes. Joindre ces deux villes est également très facile en avion aujourd’hui. À une autre échelle, nous mettons en place un tramway à Cuenca, la troisième ville équatorienne. Sa construction a une portée symbolique car il s’agit du premier tramway opérationnel en Amérique du Sud.

 ATD : Quels avantages les entreprises françaises de tourisme peuvent-elles avoir à investir en Equateur ?

Il existe toute une série de mesures pour faciliter l’investissement des entreprises touristiques françaises en Equateur. Elles bénéficient d’avantages fiscaux importants surtout au niveau des taxations : elles n’ont pas à payer certains impôts et peuvent procéder au rapatriement des capitaux. Au cours des derniers mois, trois entreprises touristiques françaises se sont établies en Equateur. Nous avons construit le métro à Quito pour faciliter les déplacements entre le Nord et le Sud de la ville étendue sur 43 kilomètres. Suite à la visite du président français François Hollande en Equateur à l’automne dernier, nos deux pays ont passé des accords de coopération dans le secteur du tourisme. 

« Un tourisme conscient » sur le plan environnemental 

ATD : En 2012, lors du deuxième congrès international sur l’éthique et le tourisme, l’Equateur a introduit le concept de  « tourisme conscient ». Pouvez-vous expliquer ce concept ?

Carlos Jávita : C’est un concept introduit par le ministre équatorien du Tourisme de l’époque, Freddy Ehlers. L’idée derrière est de promouvoir l’Equateur comme destination touristique tout en sensibilisant les touristes à la fragilité de l’écosystème et à l’importance de le protéger. On les invite à protéger et respecter ces richesses naturelles, d’autant plus que l’Equateur présente la plus grande biodiversité mondiale au kilomètre carré.

En 2012, nous avions fait une proposition très novatrice fondée sur un principe essentiel de négociations climatiques : la responsabilité commune et différenciée. L’idée était qu’en échange de ne pas émettre d’émission de CO2, l’Equateur recevrait une compensation. Nous souhaitions rénover le protocole de Kyoto et valoriser un pays qui a la possibilité d’émettre ces gaz mais choisit de ne pas le faire pour protéger l’environnement. Malheureusement, il n’y a pas eu de mise en place d’éco-responsabilité internationale.

ATD : Cette biodiversité n’est-elle pas également un atout pour le tourisme ? Comment faites-vous pour la protéger ?

Carlos Jávita : Beaucoup de personnes pensent que les richesses naturelles équatoriennes sont aussi présentes ailleurs. Ce n’est pas le cas. L’archipel des Galápagos par exemple possède de nombreuses espèces endémiques, c’est-à-dire que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Dans l’optique de protéger la biodiversité sur cet archipel, nous souhaitons d’ici 2015 remplacer sur ces îles notre consommation d’énergies fossiles par l’utilisation d’énergies renouvelables.

À partir de 2016, nous aurons également une consommation énergétique basée surtout sur l’hydroélectrique et la géothermie.

ATD : Comment s’effectue le contrôle de l’impact environnemental, inscrit dans la Constitution équatorienne, dans le secteur du tourisme ?

Carlos Jávita : Tout d’abord, il n’existe pas de tourisme de masse en Equateur et nous cherchons à encadrer ces pratiques afin qu’elles demeurent respectueuses de l’environnement. Par exemple, aux Galápagos, les touristes ne peuvent pas se promener librement. Ils doivent toujours avoir un guide avec eux car les Galápagos sont dotées d’un écosystème très fragile. Pour protéger les îles et la zone marine, les croisières ne peuvent pas s’arrêter dans les eaux des Galápagos. En Amazonie, les touristes doivent également suivre un guide afin de préserver ce milieu naturel.

ATD : Comment protégez-vous le pays des grands complexes hôteliers qui pourraient acheter ses côtes, y installer leurs infrastructures et in fine menacer l’environnement ?

Carlos Jávita : Nous encourageons le tourisme là où il est possible. Il y a des sites où l’on ne peut pas faire du tourisme de masse comme aux Galápagos. Quelques grandes chaînes hôtelières sont certes présentes mais il n’y a pas de complexes énormes.

Une particularité aussi de notre pays est la présence forte de mouvements sociaux. Ce lien très fort que notre pays entretient avec la nature provient directement de la participation dans la vie politique de ces mouvements sociaux, notamment indigènes, et des associations écologistes.

« Un tourisme communautaire »

ATD : Que faites-vous pour favoriser le tourisme communautaire ?

Carlos Jávita : L’Equateur donne de l’importance à sa composante indigène. Il y a une intégration sociale faite par le gouvernement et le tourisme, dans toutes ses formes d’expressions, incluant la clause communautaire.

Il existe 17 peuples très bien identifiés en Equateur, avec leurs propres coutumes, couleurs et savoirs. Par exemple, au nord de Quito, les Otavalos, connus pour être de très bons commerçants, ont fortement participé au développement du tourisme dans la région. Nous donnons la priorité aux peuples indigènes pour les connecter au monde.

ATD : Dans le cadre du congrès sur l’éthique et le tourisme, vous avez également abordé les questions relatives au respect des droits de l’homme, des enfants et des peuples autochtones. Quels objectifs ont été atteints au niveau des droits des enfants et quel rôle le tourisme peut-il jouer pour les atteindre ?

Carlos Jávita : Nous accordons une place primordiale aux enfants dans notre politique. Un « bonus financier » est par exemple versé aux familles les plus pauvres du pays à condition que les parents puissent montrer le carnet d’étude de leurs enfants. Nous avons aussi observé une diminution importante du taux de mortalité et valorisons la médecine préventive. 

Dans ce domaine, le tourisme peut jouer un rôle d’alerte. Les personnes venues plusieurs fois en Equateur peuvent constater que le pays a changé considérablement. Dernièrement, le gouvernement a mis en place des sondages pour demander aux touristes ce qu’ils ont pensé du pays, cela nous permet de nous améliorer.   

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